Création 23/11/2024

Albien de Madagascar

Généralités. L'Albien de Madagascar est connu du grand public par de belles ammonites nacrées, vendues dans les bourses et sur Internet. La carte du Nations Online Project à droite montre les affleurements (en bleu) et les noms de quelques gisements. On remarque que l'étage est limité à l'Ouest de l'ile. Les affleurements sont nombreux mais discontinus, à cause de coulées basaltiques et de carapaces sableuses. La provenance indiquée est souvent la ville côtière de Mahajanga (ex-Majunga), dans la région Boeny, au nord-est de l'ile. En fait, l'Albien forme une bande en arc de cercle, assez loin de cette ville. Il part de la côte vers Analalava à 200 km au nord-est, puis descend à environ 100 km à l'intérieur des terres en passant à l'est puis au sud de Mahajanga, pour rejoindre presque la côte vers Soalala, à 100 km au sud-ouest de Mahajanga.

D'ouest en est sur cet arc de cercle, les principaux gisements sont Mokaraha, Komihevitsy (ex-Komihevitra), Marerano, Malandiandro, Befamonto, Ambarimaninga, Ampanihy, Betsikiry, Antsondrodava, Ambatolafia, Tsara­man­droso, Madirovalo, Berambo et Ambanjabe. Les sites de Befamonto à Ambatolafia, les plus riches, sont sur une bande de 30 km au sud de Mahajanga. En dehors de la région Boeny, l'Albien marin existe dans la région d'Antsiranana (ex-Diégo-Suarez) au nord de l'île (Mont Raynaud), dans la région Menabe à l'ouest (Andranofotsy, près de Manja) et dans la région Atsimo-Andrefana au sud-est (Ranonda, à l'est de Toliara, ex-Tuléar).

Zones d'ammonites. L'Albien de Madagascar a été étudié surtout par Collignon, dans ses mémoires sur les gisements du Mont Raynaud (1932), Ambarimaninga (1949b), Komihevitra (1950a), Mokaraha (1950b) et Andranofotsy (1951). Citons aussi le livre de Besairie sur le Nord-Ouest de l'ile (1936). Collignon a également écrit un Atlas des Fossiles Caractéristiques de Madagascar dont le tome X, le plus gros, récapitule les faunes albiennes (1963). Il contient aussi une zonation par les ammonites, reproduite dans le tableau à droite. La zonation d'origine plaçait la zone à lyelli à la fin de l'Albien inférieur : nous l'avons déplacée car cette ammonite indique le début de l'Albien moyen depuis Birkelund (1984). Depuis l'indépendance du pays, les recherches sur l'Albien malgache sont rares : Joly (1993) sur les Phyllocératidés, Rakotonimanana (2006, 2016), Kiel (2006) et Rakotonimanana & Rajaonarivelo (2023) sur la faune d'Ambatolafia, et Zakharov et al. (2016) sur les paléotempératures océaniques.

La zonation de Collignon est moins fine que celle du Bassin Anglo-Parisien. De plus, elle est basée sur des zones d'abondance ou d'assemblage, connues pour leur limites peu précises. Par exemple, l'ammonite de zone Aioloceras besairiei est encore présente dans la zone suivante à Douvilleiceras inaequinodum (Collignon, 1949b). Par rapport à l'Europe, il y a une lacune de l'Albien basal. De plus, les Leymeriella et les hoplitidés comme les genres Hoplites, Anahoplites, Dimorphoplites et Euhoplites sont inconnus. Par contre, on trouve un genre connu dans tout l'Océan Indien, Lemuroceras, et un autre présent en Afrique du Sud et en Argentine, Aioloceras, ce qui n'est pas surprenant car ces deux dernières régions étaient accolées à Madagascar pendant l'Albien.

Nous avons ajouté au tableau de la zonation une colonne avec des corrélation approximatives avec la zonation phylétique du Bassin Anglo-Parisien (Amédro, 1992) en nous basant sur les listes de faunes de Collignon (1963), ses essais de comparaisons avec l'Europe occidentale (1965), et la zonation pour l'Afrique du Sud (Kennedy & Klinger, 2012). Les zones européennes en rouge sont des équivalences fiables. Collignon était un ammonitologue réputé, mais il a peu travaillé sur les corrélations entre les nombreux affleurements de l'ile.

Exploitation des ammonites. Le gouvernement malgache encourage depuis 1995 l'extraction artisanale de fossiles, dans le but de créer des emplois dans un des pays les plus pauvres du monde. Une loi interdit même l'exportation des fossiles nacrés non travaillés, ce qui fait que les spécimens bruts sont très minoritaires. En général, les individus sont massacrés par sciage et polissage. Quand ce n'est pas le cas, la section du dernier tour est souvent sciée pour justifier un travail humain minimal. Heureusement, cet artisanat dommageable sur le plan scientifique a été compensé par le classement en réserve géologique d'autres gisements.

Actuellement, les ammonites albiennes vendues dans les bourses et sur le web viennent quasiment toutes de carrières exploitées par les habitants, au pied d'un long escarpement de 5 km au nord et à l'ouest du village d'Ambatolafia. Ce secteur est en cours de dégradation et les paléontologues malgaches réclament des mesures urgentes de protection (Rakotonimanana, 2023b). Les ammonites encore recouvertes de leur gangue verdâtre sont achetées aux mineurs par des entreprises qui se chargent de la préparation et du polissage, comme la Société d'Exportation des Ammonites de Madagascar (SEAM) près d'Antananarivo, la capitale.

Les carrières d'Ambatolafia sont exploitées depuis 1999. Elles sont toutes dans la zone à Aioloceras besairiei de l'Albien inférieur. Au cours des années, le nombre d'espèces exportées a diminué progressivement : actuellement, les ammonites disponibles sont presque toutes des Aioloceras besairiei. Les descriptions des couches sont contradictoires. Rakotonimanana parle d'argiles à fossiles pyriteux nacrés dans un mémoire de DEA (2006), alors que je n'ai jamais vu de spécimens pyriteux. Kiel (2006) écrit que les ammonites nacrées proviennent d'un banc de grès glauconieux de 15-20 cm, surmonté de 15 cm de siltite gris foncé et glauconieuse, pauvre en fossiles.

Rakotonimanana & Rajaonarivelo (2023) ont relevé la coupe suivante dans un puits de mineur et ne parlent plus de fossiles pyriteux. Lit 0 : 0,9 m de grès glauconieux aptiens. Lit 1 : après une lacune de sédimentation, 3,3 m de siltite gris foncé, ferrugineuse, altérée en brun et riche en ammonites nacrées. Lit 2 : 1,5 m de siltite azoïque d'origine deltaïque. Lit 3 : 1,6 m de siltite grise, ferrugineuse, altérée en jaune, avec à nouveau des ammonites nacrées. De mon côté, je peux dire que mes spécimens sont dans une siltite indurée, grise à gris-vert, sans grains visibles à la loupe sauf parfois de gros points de glauconie. J'ai aussi des Aconeceras du grès aptien sous-jacent (lit 0), mais de Befamonto à 20 km d'Ambatolafia. Leur gangue a un aspect identique.

Erreurs fréquentes sur les ammonites malgaches. Sauf pour des spécimens anciens, les provenances autres qu'Ambatolafia sont rarement correctes. On voit des origines peu précises comme Mahajanga, la grande ville à 100 km au nord des gisements. Certains noms pompés dans l'Atlas de Collignon datent d'avant l'indépendance et la malgachisation, comme Majunga, Tuléar ou Diégo-Suarez. Des provenances pour des ammonites de la zone à Aioloceras besairiei sont carrément fausses, comme Ambarimaninga : en effet, ce gisement est dans la zone à Lemuroceras spathi et Brancoceras besairiei (Collignon, 1949), avec des ammonites que je n'ai jamais vues en vente. Pus généralement, on ne voit pas non plus d'ammonites de l'Albien moyen ou supérieur dans le commerce.

Nous listons maintenant quelques erreurs d'identification fréquentes sur le web. Sauf Cleoniceras madagas­cariense, les ammonites vendues comme des Grycia ou des Cleoniceras sont en fait des Aioloceras, depuis la révision de Riccardi et Medina (2002). Grycia est un genre arctique d'Alaska et du Svalbard. Les autres deux genres sont il est vrai comprimés, involutes, avec une section ogivale élevée et des côtes falciformes, mais Cleoniceras a des tubercules ombilicaux, tandis que chez Aioloceras les côtes naissent progressivement.

Le genre Moretella est fréquent à Ambatolafia et présent de temps en temps sur les sites de vente en ligne, mais jusqu'à présent je n'ai jamais vu un exemplaire étiquetté correctement. Ces petites ammonites d'au plus 5 cm (voir la fiche du genre) sont vendues comme des Cleoniceras madagascariense ou Pseudosonneratia sakalava. En fait, le premier a des bulles ombilicales (au moins une naissance brusque des côtes) et une section lancéolée. Le second définit la première zone de l'Albien malgache mais il est connu seulement par des exemplaires fragmentaires et non nacrés (Collignon, 1963). En outre il est absent à Ambatolafia.

Des Beudanticeras ambanjabense et revoili sont vendus pour des Aioloceras et vice versa. Les deux genres sont comprimés, avec un ventre étroit et un petit ombilic à mur sub-vertical. Mais les deux Beudanticeras sont lisses chez les jeunes puis présentent sur le test de fines costules très espacées, correspondant à des sillons sur le moule interne. Les Aioloceras sont par contre couverts de côtes, même si elles sont atténuées et/ou irrégulières à grand diamètre. Le véritable B. ambanjabense, que je n'ai jamais vu en vente, se distingue de revoili par des sutures sécantes et un nombre plus élevé de costules : 12-14 par tour au lieu de 9-10 (Collignon, 1963).

Liste des ammonites albiennes malgaches de ce site

carte mada
Albien Zone Sites Europe
Supérieur Neophlycticeras
madagascariense
Antsiranana
Betaitra
M. perinflatum
M. rostratum
Mortoniceras inflatum Mont Raynaud
Andranofotsy II
Mokaraha II
Maniamba-Amba
Manamana
Ampakabo-Aontzy
Vohimaranitra
M. fallax
M. inflatum
Hysteroceras binum Mont Raynaud M. pricei
Dipoloceras cristatum Andranofotsy I D. cristatum
Moyen Oxytropidoceras
acutocarinatum

Manuaniceras jacobi
Androiavy
Berambo sup.
Mokaraha I
Marerano
D. biplicatus
D. niobe
A. intermedius
H. (H.) dentatus
Lyelliceras lyelli Komihevitra H. (H.) benettianus
Inférieur Lemuroceras spathi
Brancoceras besairiei
Berambo inf.
Ambarimaninga
Ampanihy
Nord Ampanihy
4 km W. Ampanihy
Ballon Loza
H. (I.) steinmanni
Douvilleiceras
inaequinodum
Befamonty
Malandiandro
Ambanjabe III
Besavatra
O. subhilli
Aioloceras besairiei Ambatolafia I
Ambatolafia II
P. (H.) puzosianus
C. floridum
Pseudosonneratia sakalava Manosibohitra S. kitchini

quarry
Carrière à Ambatolafia en 2004
(Rakotonimanana, 2023)